Voilà plusieurs mois que je ne réussis plus à faire quoi que ce soit, c'est Karen et sa compagne qui gèrent l'exploitation en ce moment, je ne sais pas comment elle réussissent. Elle à fini par péter un câble et est en train de m'emmener de l'autre côté de la vallée, je crains de savoir où...
Je plonge dans mes souvenirs malgré moi au fur et à mesure que nous nous rapprochons.
Je me souviens encore de ce jour là alors qu'Ana avait décidé d'emmener Alexandre manger une glace dans le restaurant d'altitude où nous aimions bien nous rendre, elle connaissais la route pourtant. Quand le maire est venu me chercher alors que j'étais en train de traiter les vignes, j'ai vu que quelque chose n'allait pas car c'était la première fois où j'ai vu une réelle sincérité et de la compassion dans son regard. Il n'avait pas voulu dire la moindre chose en voiture, disant que les médecins seront plus à même de me parler, il savait déjà pourtant.
J'avais entendu l'hélico des secours dans la vallée et une multitude de sirène de pompier et de police un peu plus tôt, je l'avais regardé traverser le ciel bleu en pensant encore à des touristes imprudents, comment imaginer autre chose ?
Karen s'immobilise sur le bord de la route et me prend par le bras, je la suis comme un robot. Il est là devant moi...
Personne ne sait ce qui est arrivé, comment Ana a pu perdre le contrôle de la voiture, elle était pourtant totalement habituée à la conduite en montagne, et la voiture était en parfait état. L'enquête n'a donné aucune explication et a été close.
Karen me tire encore et me fais m'approcher du bord, j'ai les jambes flageolantes, la prairie porte encore les stigmates des tonneaux de notre voiture, jusqu'où elle à dévalée se retournant sans cesse sur des centaines de mètres se transformant en une horrible boule de ferraille.
Je ne peux m'empêcher de repenser à l'hôpital, à l'identification de ces corps méconnaissables, inertes à jamais. Je me sens vide, je sens la main de Karen se faufiler dans la mienne et me dire qu'il faut maintenant avancer que pour moi la vie n'est pas finie, qu'à elle aussi sa sœur lui manque, que son neveu lui manque.
Mon cerveau me surprend à reprendre le dessus des sons se décident à sortir de ma bouche
"Je ne pourrais plus vivre ici, je te laisse tout, il faut que je parte"
Sa réaction est à son image, pragmatique, et elle se contente de me répondre qu'elle comprend en me serrant la main
Nous regagnons le chalet, je fais mon sac ne prenant que le strict nécessaire et elle m'emmène à la gare par laquelle je suis arrivé quelques années plus tôt.
